Il aura fallu attendre le 109e derby de la Côte pour vivre ça : ce dimanche, les Ultras niçois de la Populaire Sud boycotteront le match Monaco-Nice.
Pas, ou peu, de supporters attendus dans le parcage visiteurs du stade Louis-II. Pas, non plus, de traditionnel cortège motorisé d’avant-match – les forces de l’ordre ne baissent pas la garde pour autant.
« Après mûre réflexion, le groupe a pris la décision de boycotter le déplacement à Monaco (…). Personne n’ira ! », a annoncé lundi la Populaire Sud dans un communiqué.
« Ce n’est jamais arrivé ! C’est un geste fort du groupe Ultra de la Populaire Sud, qui plus est l’année de ses 40 ans », confirme Gilles, président de l’association Boulegan Sian Nissart.
Il a souvent participé à l’organisation des déplacements chez le rival voisin. S’il ne s’exprime pas au nom de la Pop Sud, il attribue « cette décision à plusieurs facteurs récurrents ».
Même si ce boycott part d’un problème conjoncturel.
« La billetterie a diminué comme par magie »
Fin août, le gouvernement princier a lancé les travaux de modernisation du Louis II, 40 ans lui aussi.
Ce grand coup de jeune impose une réduction de jauge temporaire. L’enceinte monégasque propose ainsi 12 000 sièges au lieu des 16 500 habituels.
Et les travaux investissent la moitié de la tribune visiteurs, qui en accueille 2000 d’ordinaire. L’AS Monaco a donc mis 1000 places à disposition de l’OGC Nice.
C’est bien plus que les 600 que le club est tenu de proposer à ses hôtes (5 % de la capacité totale).
Mais cela reste bien trop peu au goût des Ultras : « Stade en travaux on le sait, mais stade dans lequel, on le sait également, nous ne sommes pas les bienvenus et on nous le montre une fois de plus ».
Selon Gilles, la jauge se réduit comme peau de chagrin depuis 2002 et la remontée du Gym en Ligue 1. « À l’époque, nous étions entre 7000 et 11 000. Au fil des années, la billetterie a diminué comme par magie, pour atteindre 1000 billets. »
Ce coup-ci, l’OGC Nice en avait attribué 600 à la Pop Sud. Plutôt que de se résoudre à une sélection drastique entre ses membres, le groupe a décidé de ne pas les distribuer. Il appelle les 400 autres détenteurs de tickets « à suivre le mouvement et être solidaires ».
Rien ne dit que le boycott sera général. Mais il est probable que Cap-d’Ail ne verra pas, cette fois-ci, débarquer une marée rouge et noir tous fumigènes dehors. Et ce n’est pas forcément son maire qui s’en plaindra…
Le maire de Cap-d’Ail avait demandé leur interdiction
Par deux fois, Xavier Beck a écrit à ce sujet au préfet des Alpes-Maritimes.
À Hugues Moutouh en avril dernier, puis à son successeur Laurent Hottiaux début septembre. « J’ai l’honneur (…) de vous demander de bien vouloir interdire le déplacement des supporters de l’OGC Nice pour le match qui doit se dérouler à Monaco le 5 octobre prochain. »
L’édile local n’a pas digéré le passage des Ultras niçois lors du dernier derby en date, le 31 mars dernier. Et pas seulement pour les déchets en pagaille que ses services ont dû ramasser.
« Autoriser ce déplacement, c’est prendre un risque, martèle Xavier Beck. La saison dernière, on est monté en gamme, avec un tir nourri de bombes agricoles et de pétards. Une fusée d’artifice est passée à deux centimètres du visage d’une supportrice niçoise, qui aurait pu perdre un œil ! On peut faire semblent de ne pas voir. Mais un de ces quatre, il y aura un accident… »
« L’usage d’engins pyrotechniques n’est pas interdit. Seule son introduction dans les stades l’est », contre-attaque Gilles. Il renvoie la balle dans le camp municipal. « Ce déplacement a lieu chaque année, et le maire n’a pas mis en place au moins des containers pour que les supporters puissent y mettre leurs déchets ! »
Ultras non grata
Boycott ou pas, Xavier Beck a sondé gendarmerie et préfecture sur les potentiels risques de troubles à l’ordre public. Pour veiller au grain, la préfecture déploie cinquante gendarmes avec le renfort d’une unité mobile, et a pris un arrêté interdisant aux supporters niçois un vaste périmètre ce dimanche après-midi à Cap-d’Ail.
Son maire s’interroge sur les mesures à prendre à l’avenir. Interdire les engins pyrotechniques ? Voire la « fan walk » ? « Aucune raison », balaie Gilles, à l’exception de ce dimanche particulier. « Qu’il s’attende à avoir beaucoup de monde toutes les années à venir ! »
Au-delà d’un problème de places, le coup de gueule des Ultras traduit leur sentiment récurrent d’être traités comme des parias. « Chaque année, ça part en coups de matraques. Ils ouvrent toujours au dernier moment pour tasser les supporters et les faire monter en pression », se lamente Gilles, en ciblant les autorités françaises. « D’une manière générale, les Niçois sont moins bien perçus. »
N’y mettraient-ils pas du leur ? Depuis le début de saison, les matchs du Gym se sont soldés par davantage de polémiques que de victoires. Banderole controversée, tentative d’en découdre avec les tifosi romains (lesquels étaient venus à Nice armés jusqu’aux dents), chants homophobes provoquant deux interruptions de match contre le Paris FC… Ces épisodes n’ont guère redoré le blason d’un club en panne de résultats.
L’ambiance, première victime
« Ne mélangeons pas tout, rétorque Gilles. On parle du déplacement à Monaco, et ça fait très longtemps qu’il n’y a pas eu d’incident. » Très longtemps, aussi, que les Ultras n’ont pas vibré pour les Aiglons. Ils ne s’en cachent pas : cette morosité sportive, après un mercato décrié, ne les encourage pas à se presser au Louis-II. « Le niveau est quand même affligeant », peste Gilles, qui s’attend à un énième « non-match ».
Une certitude au moins : les Ultras niçois, eux, feront acte de non-présence. « L’ambiance risque d’être encore plus morne que d’habitude à Monaco », tacle Gilles. Sur ce point, pas de quoi réjouir Xavier Beck, supporter asémiste assumé. « Ça ne me plaît pas que le stade soit au tiers vide. Mais ça me plairait encore moins qu’un supporter du Gym se prenne une fusée d’artifice dans l’œil. »